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17 septembre 2025

La démarche Plus d’ici… fait des petits

La démarche plus d'ici fait des petits (article du 17 septembre 2025)

Article original : La Nouvelle agricole (lanouvelle.net)
Par Claude Thibodeau

Le projet Plus d’ici dans nos cafétérias initié en 2021 par l’équipe du Centre d’innovation sociale en agriculture (CISA) du Cégep de Victoriaville, fait des petits, comme on le souhaitait d’ailleurs. La MRC d’Antoine-Labelle, un territoire des Hautes-Laurentides, a levé la main pour adhérer à la démarche qui a mené, en janvier 2024, au lancement de la Stratégie territoriale concertée pour l’approvisionnement institutionnel en aliments locaux dans la MRC d’Arthabaska.

Une stratégie avec 10 grandes orientations s’accompagnant de 45 actions à court, moyen et long terme, comme l’identification de l’origine des produits alimentaires et la sensibilisation continue des acteurs de la chaîne d’approvisionnement alimentaire des institutions.

C’est, en fait, en participant à un webinaire du CISA à l’automne 2023 qu’un déclic s’est fait pour Nadia Brousseau, chargée de projet en développement agroalimentaire pour la MRC d’Antoine-Labelle. “J’ai eu un coup de cœur sur le coup”, révèle celle qui, par la suite, au début de l’année 2024, a contacté le CISA. “Je voulais savoir comment on pouvait adhérer à ce type de projet, considérant que notre territoire diffère complètement de celui de la MRC d’Arthabaska. Les enjeux sont différents. On a dû personnaliser le projet”, note-t-elle.

À l’instar de la MRC d’Arthabaska, la MRC d’Antoine-Labelle, avait son Plan de développement de la zone agricole (PDZA) depuis 2015 avec, expose-t-elle, des enjeux de commercialisation de proximité, les producteurs agricoles désireux d’approcher les hôtels, les restaurants, les pourvoiries et les institutions se butaient à certains freins.

“On ne savait pas trop comment articuler notre action et c’est certain que le projet Plus d’ici… est très inspirant et très structurant. Je regardais leur stratégie et déjà certaines actions étaient terminées. Ça me procurait beaucoup d’enthousiasme et d’espoir pour que ça bouge”, exprime Nadia Brousseau.

Dans la MRC d’Arthabaska, la démarche avait été ponctuée de sommets réunissant les différents acteurs du milieu.

Un exercice similaire, sous forme de forum, sera tenu dans la MRC d’Antoine-Labelle. “On va pouvoir réunir tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement. C’est très important de savoir qui adhère à la démarche,  qui va lever la main pour porter des actions. C’est là qu’on va voir si le train bouge ou non. Moi, j’ai très bon espoir, confie Nadia Brousseau. Nous sommes un petit milieu. Je connais les producteurs et transformateurs alimentaires, mais un peu moins les restaurateurs vers qui je suis allée. Et je constate un enthousiasme.”

Justement, l’intégration des restaurants et de l’hôtellerie constitue une des particularités du projet de la MRC d’Antoine-Labelle comparativement à ce qui s’est fait dans les Bois-Francs, observe Aude Fournier, enseignante-chercheuse au CISA. “Avec un plus faible bassin de population, les projets des entreprises font face à des enjeux de rentabilité, souligne-t-elle. En intégrant ainsi un plus vaste champ d’organisation, ça devient plus intéressant pour les entrepreneurs et les organisations de la région.”

Grâce à une subvention du programme de développement territorial et sectoriel du MAPAQ, la MRC d’Antoine-Labelle a donc pu demander au CISA de l’accompagner dans cette démarche. “En plus du forum à venir, des ateliers de travail s’organisent aussi avec l’ensemble des acteurs de la chaîne d’approvisionnement. On prend un temps d’arrêt pour réfléchir ensemble à des enjeux qui les concernent tous pour trouver des solutions à ces enjeux”, indique Véronique Allard, chercheuse et chargée de projet au CISA.

Maintenant que le processus est en marche, le bouche-à-oreille produit son effet. “Au départ, c’était d’en parler à l’un et à l’autre. Maintenant, les gens comprennent le concept Plus d’ici et ça devient plus facile”, constate Nadia Brousseau.

Il n’en demeure pas moins que les défis se font toujours bien présents. “J’ai approché l’établissement carcéral de ma région qui relève du gouvernement fédéral. La personne est hyper enthousiasmée par le projet, mais elle ne sait pas  comment procéder, n’ayant pas de pouvoir de décision pour augmenter la part d’aliments locaux, c’est un défi, fait remarquer Nadia Brousseau. Du côté du milieu scolaire, la représentante est très ouverte, mais elle avoue qu’elle aura de la difficulté à convaincre les dirigeants.”

À cela, Aude Fournier relève que parfois, ce sont de petits pas qui permettront d’ouvrir une brèche et éventuellement d’en ouvrir une autre. “Par exemple, en milieu scolaire, note-t-elle, ce sont parfois des concessionnaires alimentaires qui ont déjà des ententes scellées avec des fournisseurs. On ne peut bouger cela. Mais par la porte des activités de financement des écoles, on peut entrer une offre de produits locaux. C’est ce genre de chemin qu’on tente de trouver avec les acteurs du milieu.”

 

D’autres intéressés?


Trois ou quatre autres territoires ou MRC ont manifesté un certain intérêt à la démarche. “Nous avons discuté pour réfléchir à des projets, comprendre les enjeux locaux. Mais il y a des enjeux de financement. Des projets se trouvent sur la glace dans l’attente des opportunités de financement”, indique Aude Fournier.

Il s’agit parfois aussi d’une question de timing parce qu’avant d’entreprendre une démarche comme celle-ci, un milieu doit avoir réalisé son Plan de développement de la zone agricole (PDZA).

Le bilan dans Arthabaska


La démarche dans les Bois-Francs porte déjà certains fruits. “La Stratégie territoriale concertée pour l’approvisionnement institutionnel en aliments locaux a  suscité une belle adhésion de la part du Cégep, de différentes RPA et de différents projets. On est déjà en mouvement en ce sens”, confie Dominic Poulin, directeur, secteur agroalimentaire chez Destination Entreprise, tout en précisant qu’il s’agit d’une structure qui exige du temps à mettre en place.

Il faut de l’adhésion, faut mettre en place des projets, des rencontres. C’est un peu ça le but de la Stratégie. Nous, à la sortie de la Stratégie avec le CISA, nous sommes arrivés avec un plan d’action que l’on a intégré à la démarche territoriale du système alimentaire territorial qui s’appelle, à la MRC d’Arthabaska, “Arthabaska en démarche nourricière”. Une planification du milieu qui était déjà en branle, ayant sa propre planification.”

Dominic Poulin est d’avis que pour conserver l’adhésion de la communauté, les intervenants doivent demeurer en action. “Je pense qu’on l’a fait à petits pas. Nous allons continuer et conserver l’adhésion pour en arriver à une plus grande part.”

En termes de réalisations, renchérit Étienne Croteau de la MRC d’Arthabaska, il n’existe pas une date d’expiration pour cette stratégie d’approvisionnement. “L’objectif est de sensibiliser aux bénéfices de l’achat local l’ensemble des acteurs de la chaîne d’approvisionnement, de sensibiliser la population et, pour la MRC d’Arthabaska, c’est de travailler avec les communautés, les municipalités”, souligne-t-il, ajoutant que durant la démarche MADA (municipalité amie des aînés), les 1400 personnes âgées de 65 ans et plus consultées ont aussi été questionnées sur la question de l’autonomie alimentaire et son importance.

“Et puis, poursuit-il, plusieurs municipalités ont mis des actions concrètes dans leur propre plan d’action. Et la MRC se dotera d’un plan d’action MADA pour les 22 municipalités. Nous aurons des journées découvertes pour les personnes de 65 ans et plus. Une journée chaque année pour faire découvrir les produits et les producteurs locaux.”

Le CISA a aussi accompagné le comité des usagers du CHSLD du Roseau pour un jeu sur l’alimentation locale destinée aux résidents.

Aude Fournier parle aussi du pôle Plan B mis en place en avril 2024, l’une des actions de la Stratégie et dont le rôle est de mutualiser les ressources. “C’est l’approvisionnement des institutions comme les CPE, les organismes sans but lucratif qui font de la transformation alimentaire pour les personnes dans le besoin. Un tiers de ce qui est recueilli par Artha-Récolte est dirigé vers organisations.”

“C’en est un bon exemple de tout ce qui est mutualisation, ajoute Dominic Poulin. Ce qu’on veut, c’est réunir les forces vives du territoire pour répondre à des besoins et permettre de faire évoluer la structure de façon à rendre plus simple la commercialisation. On fait évoluer les structures pour permettre de nouvelles commercialisations et générer des bénéfices autant pour l’achat local, que dans la reconnaissance de l’achat local auprès de ces institutions.”