À l’extrême nord de la province, à quelque 1700 kilomètres de Québec, le village de Salluit est maintenant un terreau fertile pour la production de fruits et de légumes. Après un premier été court, mais prometteur, le déploiement de la serre communautaire permet d’espérer de nouvelles alternatives alimentaires pour les Sallumiut.
Une serre de 2250 pieds carrés s’est ajoutée au paysage de Salluit au cours de l’été. Ouverte officiellement depuis le début du mois d’octobre, mais en fonction depuis le mois d’août, la serre rend possibles la culture et la production de fruits et légumes dans le village nordique de 1553 habitants.
Alors que 78 % des résidents du Nunavik âgés de plus de 16 ans sont en situation d’insécurité alimentaire, la construction de la serre s’inscrit dans une volonté «d’inclure quelques légumes dans la diète de certains et de remplir le ventre de ceux qui ont moins de nourriture», note Sam Chauvette, agronome impliqué au sein du projet de la Société pour promouvoir la sécurité alimentaire à Salluit.
«Souvent, la nourriture qui arrive ici n’est déjà pas très belle», explique-t-il. «Dans les étagères, à l’épicerie, ce n’est pas rare de voir des fruits et des légumes déjà en train de pourrir dans l’emballage.»
À cette réalité s’ajoutent «les mêmes enjeux que dans les quartiers pauvres des grandes villes», précise M. Chauvette. «Ce qui n’est pas cher, c’est souvent des calories vides sucrées.»
Dans une optique de diversification de l’offre alimentaire et d’accessibilité des produits frais, le projet de serre dirigé par la Société Amaat permet à certains membres de la communauté de Salluit d’introduire de nouveaux aliments dans leur régime quotidien.
«Quand les jeunes mangent des légumes frais, leurs yeux deviennent brillants», raconte l’agronome. «Ils n’ont jamais mangé ça et c’est quand ils commencent à goûter à des légumes frais, qu’on peut faire des changements dans l’alimentation. Le but n’étant pas de les rendre végétariens. Jamais de la vie», précise-t-il en rigolant.
Une première saison réussie
Sam Chauvette et Stephen Grasser, président de la Société pour promouvoir la sécurité alimentaire à Salluit, se réjouissent de cette première saison. Mis en terre à la mi-août, les semis de laitues, d’épinards, de bok choys, de pois, de radis et de navets ont produit généreusement.
«C’était un défi pour nous de réussir à faire une première saison en 2024. Juste un peu plus tard et ça aurait été trop tard», précise Sam Chauvette, également engagé auprès du Centre d’innovation sociale en agriculture au Cégep de Victoriaville.
Dès l’année prochaine, la saison de culture devrait s’étendre de la mi-mai à la mi-octobre. Des 25 parcelles disponibles dans la serre, environ la moitié seront consacrées aux membres de la communauté inuite alors que les autres seront réservées à une production «plus organisée en partenariat avec différentes organisations locales». La serre permettra ainsi d’enseigner la culture des fruits et légumes à ceux qui le veulent en plus de distribuer une partie des récoltes gratuitement au sein de la communauté.
À terme, des cultures de tomates, de concombres, de poivrons, de fraises et d’autres fruits et légumes sont prévues.
Une construction parsemée d’embûches
La construction d’une serre au Nunavik comporte son lot de défis techniques. D’autant plus que «Salluit est une ville avec beaucoup de problèmes de pergélisol», rappelle Stephen Grasser, lui-même résident de Salluit.
Les risques d’affaissement et l’intensité des vents nécessitent des fondations plus développées et l’utilisation de matériaux plus résistants. «C’est vraiment plus de préparation qu’une serre dans le sud», compare Sam Chauvette.
Sans entrepreneur pour poser les fondations, la Société Amaat s’est tournée vers des membres de la communauté pour installer les semelles de la fondation et monter la structure.
Malgré les difficultés rencontrées, Stephen Grasser assure que la serre «est seulement la première étape». Que ce soit l’élevage de volailles, la culture de ressources marines ou la production de nouveaux fruits et légumes, le président de la Société Amaat promet «d’autres projets dans le futur».
«On va faire pousser les fraises les plus nordiques au Québec», lance Sam Chauvette, emballé par les nouvelles possibilités qu’offre la serre.